Pour une psychanalyse féministe

Je suis pour une psychanalyse féministe.

Si vous êtes un homme, ne vous inquiétez pas : il ne s’agit pas d’une psychanalyse contre les hommes. Il s’agit de donner à chacun sa place en dehors de toute logique de domination.

Comment ne pas relayer dans la cure psychanalytique la dévalorisation des femmes ?

Depuis des années je reçois des femmes de tous âges qui souffrent d’une dévalorisation de leur sexe. J’essaye dans ma pratique de psychanalyste et d’art-thérapeute de les aider à se donner estime de soi , autonomie ,  liberté par rapport au système patriarcal encore dominant . Il ne s’agit pas d’une psychanalyse féministe qui pousserait les femmes contre les hommes mais qui tenterait de donner à chacun sa place à partir de nouveaux critères hors de toute logique de domination.

Le féminisme est plus que d’actualité. Il suffit de penser aux mouvements comme Me too.. ou Balances ton Porc , au Consentement le livre de Vanessa Springora.

Comment permette à la femme qui souffre de trouver et de créer sa place de femme à l’intérieur même du dispositif psychanalytique ?

Je ne suis pas d’accord avec la théorie freudienne de la sexualité féminine et de l’identité féminine. Je ne suis pas non plus d’accord avec la notion du Phallus selon Lacan. Je m’interroge aussi sur la « neutralité » du psychanalyste : ne jamais parler de soi n’est-ce pas rester dans une situation de pouvoir trop importante par rapport à la personne qui se livre? Ne pourrait-on pas  parler de son contre-transfert de temps à autre comme le faisait Ferenczi ? Y aurait-il une façon de mener la cure, un langage à créer, un type d’écoute qui permettrait aux femmes de s’affirmer comme telles ? De sortir d’un discours psychanalytique patriarcal? Pour ces questions je renvoie aux recherches remarquables de Luce Irigaray.

Il ne s’agit pas d’exclure les hommes  : je reçois des hommes autant que des femmes . Les hommes souffrent aussi de ces rôles qu’ils ont à jouer pour ne pas perdre leur « virilité » du moins celle définie par le patriarcat : la dureté, le fait d’être insensible et donc fort . Il ne s’agit pas non plus de désigner les hommes comme des ennemis à abattre par ce que les valeurs patriarcales sont aussi relayées par des femmes, des mères qui éduquent leurs enfants dans ce sens depuis des générations.

Mais en 2023 l’exploitation et l’appropriation va toujours dans le même sens : celle des femmes par les hommes. C’est donc  la souffrance des femmes qui est d’abord à prendre en compte . Ainsi la femme continue-t-elle de perdre son nom dans le mariage pour revêtir celui de son mari. À travail égal  les femmes sont moins payées que les hommes, elles ont moins de droits que les hommes.

« Par ce que je le vaux bien »

La femme s’autorise rarement à vivre pour elle en dehors des soins esthétiques comme le dit si bien la publicité L’Oréal: « Parce que je le vaux bien » . Elle vaut bien d’avoir une belle coiffure…. mais c’est tout!

Beaucoup de femmes ne savent pas prendre du temps pour elles par ce qu’elles ont alors le sentiment d’une perte de temps. Ce sentiment vient de l’idée qu’elles ne méritent pas d’intérêt ni d’égard particulier par ce qu’elles sont persuadées de leur non valeur:  » Oh moi ce n’ est pas grave.. » « Moi ce n’ ‘est pas grave » si je ne jouis pas, si je suis fatiguée, si je gagne moins d’argent que mon collègue, si je mange la plus petite part du repas. Sexuellement et socialement elle n’a toujours vécu qu’en fonction des autres, les hommes.

Malgré des changements positifs allant vers l’ émancipation des femmes en France ( droit de vote en 1944, légalisation de l’ avortement en 1975 , de la contraception en 1967 ); il n’ en reste pas moins que dans notre société, la valeur suprême pour une femme c’est d’être mère. Alors quand les enfants partent du foyer familial, elle se sent moins que rien et sombre dans la dépression. Habituée à vivre pour ses enfants et son mari, elle ne sait pas vivre pour elle. Ayant peu d’existence sociale et professionnelle ou un travail à mi temps mal payé, elle n’ arrive pas à compenser suffisamment ce vide.

Quand à la reconnaissance d’une sexualité féminine à part entière il reste encore beaucoup à faire et à dire sachant que l’ anatomie complète du clitoris n’est découvert qu’en 2016 et présent dans les manuels scolaires en France en 2017. A qui profite cet impasse sur l’ organe sexuel essentiel du plaisir féminin ?

Le phallocentrisme de Freud et de Lacan dénoncé par Luce Irigaray et Antoinette Fouque

La psychanalyste , philosophe et linguiste  Luce Irigaray  a soulevé le problème du  phallocentrisme de la psychanalyse. Elle s’interroge  sur les conditions d’une psychanalyse qui ne relayerait pas la domination masculine mais permettrait à la femme d’exister en tant que telle.  Dans Spéculum de L’autre Femme  (1974) et dans Ce Sexe Qui N’en Est Pas Un (1977) elle montre que pour Freud et pour Lacan « la femme n’existe pas ». Elle remettait ainsi en question le pouvoir patriarcal dominant au sein même de la psychanalyse, à commencer par celui de Lacan. Ce qui lui valut d’être exclue par celui-ci de l’Ecole Freudienne et de l’université Paris-VIII où elle enseignait. Quelle plus belle preuve pouvait elle obtenir de la véracité de son discours ?

Je renvoie aussi à l’oeuvre d’ Antoinette Fouque.

La petite fille est un petit garçon raté

Pour Freud nous dit-elle, la petite fille n’est jamais qu’un petit garçon « manqué » car par exemple le clitoris est un petit pénis raté. Tout le développement de sa féminité n’aura pour seul but que de pallier à cette infériorité : compenser symboliquement le manque de pénis soit en ayant un enfant soit en tentant de ressembler à un homme en tant que lesbienne soit en devenant l’esclave indispensable de l’homme dans le mariage.

Ainsi pour Freud la femme n’a pas de valeur propre Elle n’a de valeur que dans sa relation à un homme d’où l’obsession encore actuelle des femmes pour se trouver un mari et donc une valeur sociale. La prime de valeur ajoutée c’est d’avoir des enfants de son mari et si possible des garçons. De même la femme n’a pas de sexualité propre puisqu’elle est un garçon en moins bien et que selon Freud il n’y a de libido que masculine. ( cf Sigmund Freud La Féminité ) Dès lors la seule sexualité qui lui reste c’est de s’approprier la virilité en se soumettant aux désirs de l’homme et par ce biais en lui devenant esclave indispensable, de considérer son sexe et tout son corps uniquement comme écrin indispensable au pénis- Roi

D’ailleurs pour Freud devenir une femme « normale », c’est-à-dire une « vraie » femme c’est pour la petite fille se détourner de sa mère pour tourner tout son amour vers le père ce qui permet la réalisation du complexe d’OEdipe et sa résolution dans le fait de se tourner vers un homme autre que le père à l’ adolescence. Le mari devient alors le substitut de père pour la femme et la femme le substitut de mère pour l’homme. Dans tous les cas comme l’a dit Lacan : « la femme n’ existe pas ».

« L’humanité » de l’homme vient de l’homme,  pas de la femme

Pour Lacan « le Phallus » symbolise la culture, la loi bref tout ce qui a une valeur proprement humaine et qui promeut l’enfant au statut d’être humain social. Ainsi le père est celui qui sépare l’enfant de la fusion avec la mère, fusion qui risquerait de le rendre définitivement inapte au devenir humain social, qui le ferait sombrer dans la psychose c’est-à-dire l’indifférenciation d’avec la mère. Pourquoi la culture ne serait elle pas symbolisée par « la vulve » ? Parce que la femme est toujours du côté de la « nature » , elle n’est jamais vue que comme une mère -terre reproductrice, matrice, nourricière qui comble les besoins premiers de l’enfant mais ne le promeut certainement pas à la culture. La femme ne transmet pas la culture à l’enfant, ceci reste l’apanage de l’homme. Pour devenir un adulte humain, fille ou garçon, doivent se séparer de la mère comme on jette un placenta à la poubelle et s’élever vers les hautes sphères sociales et intellectuelles en oubliant corps, sensibilité et affects.

La femme -enfant-mère

En effet elle n’existe pour son mari et aux yeux de la société que comme mère de son mari  et de ses enfants ou comme enfant de son mari. D’où les innombrables clichés de « la femme enfant », dépendante financièrement, capricieuse, pas très futée, mais tellement mignonne et toujours jolie. La Bimbo ! En effet comment peut elle se valoriser en dehors de la séduction physique ? La seule chose que l’homme lui demande c’est d’ être toujours apprêtée et jolie pour lui plaire et ainsi se valoriser lui de ce bel objet sexuel auprès des autres hommes: « Sois belle et tais toi »;

D’ailleurs la sainte vierge dans la religion chrétienne n’est jamais vue comme femme ayant une sexualité proprement féminine, mais uniquement comme mère du Christ et vierge de toute relation sexuelle. De ce fait elle est l’emblème même du patriarcat : elle n’ a de valeur et d’existence qu’en tant que mère du christ ( un garçon ) ou comme propriété de Dieu ( un garçon). Elle appartient au père  en tant qu’enfant puisqu’elle reste vierge ou elle appartient au fils en tant que mère.

Je veux un psychanalyste qui me parle

Les psychanalystes sont réputés pour ne pas parler et rester comme un mur devant le récit de leurs patients. En effet cela vient du concept de « neutralité bienveillante » expliqué par Freud, le père de la psychanalyse. À mon avis on peut être une bonne psychanalyste tout en parlant à son patient, en tout cas c’est ce que j’essaye de faire. Mais selon certaines règles bien sur.

Psychanalyste à Versailles, un psychanalyste qui parle
l’importance des mots échangés entre le psychanalyste et le patient

Pourquoi les psychanalystes ne parlent pas à leurs patients ?

Selon Freud le psychanalyste doit éviter de parler trop à son patient afin de faciliter ce qu’on appelle « le transfert ». Il s’agit que la personne du psychanalyste devienne pour le patient un support de projection. C’est-à-dire que lors de la cure le patient doit pouvoir imaginer inconsciemment que le psychanalyste prend la place par exemple de sa mère ou de son père. Ainsi en faisant jouer au psychanalyste le rôle de sa mère, le patient pourra résoudre certains conflits qui n’a pas pu résoudre avec elle.

Si le psychanalyste parle trop cela va nuire au transfert. Ainsi le psychanalyste ne devra pas trop montrer ses émotions au patient, ni trop lui parler.

Mon psychanalyste est un mur

Cette posture qui consiste à ne pas parler aux patients et à ne pas montrer ses émotions à un énorme inconvénient : le patient peut avoir l’impression que le ou la psychanalyste est totalement indifférent à ce qu’il vit, au récit de son histoire et de ses souffrances. C’est le manque d’empathie qui est souvent reprochée au psychanalyste qui ne parle pas.

Effectivement cette posture vient de la posture médicale qui consiste à se montrer inébranlable pour rassurer le patient mais aussi pour se protéger face à la souffrance d’autrui.

Le psychanalyste doit se montrer humain, parler et être à l’écoute

En ce qui me concerne j’essaie de pratiquer une psychanalyse où je parle à mes patients et ou je ne cache pas mes émotions. Je pense qu’une grande part de la réussite thérapeutique tient dans la qualité de la relation humaine qui s’établit entre le psychanalyste et son patient. Cette relation ne peut pas être bonne et confiante si le patient a l’impression que le psychanalyste reste froid et indifférent devant son récit.  C’est une question de bon sens humain : comment pouvez-vous apprécier un psychanalyste dont vous avez l’impression qu’il n’est pas capable de se mettre à votre place, qu’il ne vous comprend pas ? C’est tout simplement impossible.

La parole du psychanalyste n’empêche pas le transfert si cette parole laisse la place au patient

Même si le psychanalyste se montre lui-même, parle à son patient et échange ses émotions, le transfert se fait naturellement. À condition bien sûr que le ou la psychanalyste sache parler au bon moment et de la bonne manière. C’est-à-dire parler essentiellement en posant des questions ou en donnant des interprétations hypothétiques. Il ne s’agit pas non plus de faire un étalage de ses émotions. Et il ne faut surtout pas couper la parole du patient au moment important.

Tout est une question de moment opportun, de nuance et d’écoute.

Pourquoi faire une psychanalyse ?

Je suis aussi art-thérapeute

Psychothérapie pour les femmes au château de Versailles : la place de la psychanalyse

Ces séances pour les femmes victimes de violences ont commencé le 26 mars 2022. Deux fois par mois, un groupe de huit femmes a rendez-vous dans un très bel atelier au château de Versailles pour faire une psychothérapie par l’expression corporelle, le dessin et la psychanalyse. Les inscriptions sont encore ouvertes.

psychothérapie pour les femmes victimes de violences au château de Versailles

Le temps de la psychanalyse : sortir du traumatisme en parlant

La parole permet de sortir de l’état de sidération en retrouvant du sens. Chaque femme ressent le besoin de parler de son histoire et de comprendre ce qui lui est arrivé. La psychanalyse permet de comprendre pourquoi les maltraitances se répètent souvent depuis l’enfance. Cette compréhension est essentielle pour sortir du cycle infernal où l’on est toujours victime. Que recherche-t-on dans cette répétition d’une situation de souffrance ?

Sortir de la honte et de la culpabilité en partageant avec le groupe

Partager son vécu avec les autres permet à chacune de sortir du sentiment de honte et de culpabilité. Si les femmes sont victimes ce n’est pas «  leur faute » mais c’est à cause d’un système de société patriarcal dans lequel elles se retrouvent opprimées par des hommes violents qui se croient autorisés à l’être. Les femmes qui par exemple sont victimes de pervers narcissiques, sont systématiquement manipulées en ce sens : elle perdent toute confiance en elle jusqu’à penser qu’elles sont vraiment « nulles » et qu’elle ne méritent pas la douceur et le respect.

L’association libre

En parlant sur le mode de l’association libre, chacune réalise que le problème ne vient pas d’elle puisque d’autres femmes sont-elles aussi victimes de violences. L’échange verbal que je mets en place est « non directif ». Chacune s’exprime si elle a envie et quand elle a envie.

Ainsi le groupe permet une réflexion sociale qui sort la personne de sa culpabilité.

À ce propos je renvoie au livre du sociologue clinicien Vincent de Gaulejac : Les Sources de la Honte.

Théâtre et psychanalyse

J’ai proposé au groupe de femmes de jouer une scène conflictuelle qui faisait particulièrement peur à l’une d’entre elle : la confrontation dans le cadre d’un procès avec son ex violant et pervers narcissique. Toutes sont confrontées à ce type de situation, certaines peuvent donner des conseils.

Le fait de jouer cette scène permettra à la personne de se préparer au jour de la confrontation et de voir quel comportement adopter pour ne pas s’effondrer et quelles pensées il lui faudra chasser. Différents scénarios seront joués et proposés par le groupe jusqu’ à trouver la meilleure alternative.

L’analyse des émotions de chacune et en particulier de la personne concernée se fera grace à la psychanalyse : « Ce que vous avez ressenti , l’avez-vous resssenti dans d’autres situations ? Et dans votre enfance ? « 

Chacune pourra aussi s’appuyer sur l’expérience de l’autre.

Pour comprendre aussi le processus  de l’art-thérapie par le théâtre , la peinture, le dessin, le modelage