Le visage : miroir de l’âme
Voir des visages est vital ; le visage en psychothérapie
Le visage : miroir de l’âme
Quelle joie de voir à nouveau les visages des autres ! Visages de nos proches aimés, visages d’inconnus dans la rue, à la terrasse des cafés. J’ai envie de dire bonjour à toute personne dont je vois le visage. D’ou vient cette joie ? Je suis à nouveau en interaction vivante et directe avec l’autre. Je le reconnais et il me reconnait, son visage m’intrigue. D’ou l’importance du visage en psychothérapie. Je n’ai jamais pu me résoudre à faire des séances masquées.
Quand je vois son visage, je reconnais immédiatement l’autre comme être humain différent et proche . Par les expressions combinées et toujours mouvantes de ses yeux, de sa bouche, de son front, de ses sourcils il me communique cette impression d’étrangeté et de proximité.. Chaque petit détail de sa morphologie s’anime pour exprimer ce qu’il ressent de manière unique . Aucun visage ne ressemble à un autre parce que chaque personne est unique et que chaque corps est unique.
Pour déshumaniser une personne, il suffit de lui cacher le visage.
Le masque dépersonnalise les relations humaines
Avec un masque nous devenons plus interchangeables car nous perdons peu à peu l’envie de déchiffrer le visage et les expressions de l’autre, uniquement visible par les yeux. Nous entrons alors dans des relations impersonnelles ou nous sommes en interaction avec une autre dans un but social utilitaire. Le boulanger n’est plus une personne avec un visage qui me dit si aujourd’hui il est joyeux ou triste mais uniquement celui qui va me servir la baguette dont j’ai besoin. Je pourrais tout aussi bien me faire servir par un robot.
Nous devons d’ailleurs nous interroger sur le fait que les musulmans intégristes demandent aux femmes de cacher entièrement leur visage en laissant uniquement paraître les yeux. N’est-ce pas une manière de dépersonnaliser la femme et de la réduire à un objet interchangeable ?
Avant le COVID les relations humaines étaient distanciées par des interfaces virtuelles. Nous communiquons de plus en plus par l’intermédiaire des écrans. Des images de nos visages se démultiplient sur internet. Il y a beaucoup de masques de nous même sur les sites et peu de vraies rencontres : celles où le visage de l’autre n’est jamais figé où il est toujours vivant, en mouvement. Le visage me dit que je ne peux m’approprier l’autre car à tout moment son expression m’échappe, c’est l’infini de l’autre qui se manifeste nous dit le philosophe Emmanuel Lévinas dans Ethique et Infini. Nous devons veiller à ne pas nous habituer aux masques pour que les relations humaines ne se déteriorent pas.
Le visage en psychothérapie
Les petits-enfants qui n’ont pas pu voir suffisamment de visages présentent des troubles du développement car les bébés apprennent à s’exprimer en imitant les expressions qu’ils lisent sur les visages des autres. Avec le visage de l’autre ils apprennent l’empathie : la capacité de comprendre les émotions de l’autre, de s’identifier à la tristesse ou à la joie qu’ils lisent sur les visages.
Suite de l’article sur mon site
Image du corps et image de soi en art thérapie
Publié le par Cécile Orsoni
Je partage dans cet article un extrait de mon mémoire de master en art-thérapie à Paris 8 en 2014 dont le titre est: « Image du corps et image de soi en art-thérapie« . Je voulais montrer comment l’image de soi se symbolise par une image du corps c’est à dire par la perception subjective du corps qui exprime une histoire.
Comme dans un feuilleton vous pourrez suivre quelques séance d’art-thérapie avec des analyses d’images produites par une même personne pendant les séances. Ces interprétations prennent sens dans un contexte global sur le long terme qui est le processus de la thérapie: les comportements de la personne, les échanges psychanalytiques, les émotions ressenties par la personne pendant les séances, la comparaison avec les autres images.
Séance 1
Dans l’atelier F me raconte un rêve qu’elle a noté sur son petit carnet et dont elle a fait plusieurs croquis : dans ce rêve elle plane dans les airs et s’envole dans la lumière. Elle ressent une grande impression de bien-être et de libération. Ici F me révèle son désir de « se lâcher » comme elle l’avait déjà exprimé dans les cours de peinture, elle désire une peinture gestuelle avec les mouvements du corps libres, affranchis du poids de toute contrainte. On voit que le plaisir et la liberté du corps sont en jeu dans ce rêve.
Elle choisit un croquis qui illustre bien cela et le dessine en grand format .Le dessin terminé, nous en parlons. Elle dit qu’elle n’arrive pas à se laisser aller dans ce dessin, elle reste « bloquée » et ne peut pas exprimer cette impression de vol et de liberté. En effet son dessin est compartimenté avec des formes plutôt raides et géométriques qui n’expriment pas la fluidité et la liberté mais le contraire. Je note une forme en éclair au milieu de la feuille assez agressive et qui coupe le dessin en deux. Je lui demande de continuer de noter et dessiner ses rêves pour la prochaine séance.
Se libérer du corps
On peut donc penser que F exprime dans son rêve le désir de se libérer du corps à tout point de vue. Freud a défini le rêve comme l’accomplissement d’un désir inconscient[1]. Il montrera également que les expériences infantiles sont réactivées dans le rêve et dans l’œuvre d’art en analysant une œuvre de Léonard de Vinci à l’aune d’un souvenir d’enfance marquant de l’artiste [2].
Le dessin montre une fracture centrale en forme d’éclair, il est compartimenté avec des formes géométriques. La partie droite, qui paraît plus aérienne, est barrée par une rangée d’arbres. Elle me dit qu’elle n’arrive pas à retranscrire les sensations de fluidité et de liberté de son rêve. Or, si comme l’a montré Françoise Dolto[3], l’image inconsciente du corps s’exprime dans toute production plastique, y compris dans la représentation d’objets, on voit bien que l’image du corps qui s’exprime là est morcelée par une fracture : l’éclair jaune.
On peut donc déduire de cela que si F a envie de voler, de libérer son corps, quelque chose l’en empêche inconsciemment dans la production plastique et vient interférer dans l’accomplissement en images de ce désir.
La fracture symbole du traumatisme
Cette fracture bloque symboliquement l’accès au plaisir du corps et à la liberté. Cette image du corps correspond à l’image que F se fait d’elle même, quand elle vient me voir pour les cours de peinture : l’image de quelqu’un qui veut se libérer, mais qui en est empêchée par quelque chose qu’elle ignore. Lors des cours, F se jette « à corps perdu dans la peinture gestuelle » puis se trouve bloquée. On peut voir dans ce comportement le désir présent dans son rêve : celui de se libérer, qui correspond au moment ou elle se jette très vite dans la peinture gestuelle. On peut y voir aussi l’angoisse de ne pas y arriver, d’où la rapidité et le blocage : qui correspond à une défense psychique.
Ainsi dans ce premier dessin F exprime une fracture qui en brise l’unité et symbolise la fracture dans sa vie, dans son corps, et dans son identité. Cette fracture serait l’expression visuelle du trauma définie par Freud[4] comme « effraction dans les défenses psychiques », symbole que j’ai pu constater dans d’autres dessins de F (dessins 14,11, 8, 22). Par définition le trauma casse l’unité psychique car il ne peut être mis en lien et élaboré par la personne. Le trauma a pour conséquence de scinder le psychisme entre un refoulé inconscient et non élaboré et un moi conscient mais fragile, capable de craquer au moindre choc puisqu’il met toute son énergie au refoulement.
Retrouver son histoire
Dès lors mon travail d’art thérapeute sera d’aider F. à élaborer ce trauma, à retrouver le lien ; le fil rouge de son identité. A ce stade, je n’ai aucune hypothèse sur ce trauma, et je me donne simplement comme objectif d’aider F. à exprimer plastiquement la liberté et le plaisir de son rêve. Mais nous allons voir que ce travail va permettre à F. de raconter finalement son histoire.
[1] Freud, Introduction à la psychanalyse
[2]Freud (Sigmund) 1943, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Gallimard 1991, p.135.
11 Dolto (Françoise) 1984, Schéma corporel et image du corps L’image inconsciente du corps, Seuil, p.8, réédition 1992
[4] Freud .S 1919, Introduction à la psychanalyse des névroses de guerre, Résultats, Idées, Problèmes, Paris, P.U.F, 1984 Publié dans art-thérapie
L’art-thérapie: l’importance de toucher
Publié le par Cécile Orsoni
Je vous souhaite d’abord une année 2021 sensible, humaine, riche en contacts physiques, une année où nous pourrons à nouveau être proches, se toucher, s’embrasser, faire la fête !
Nous sommes un corps
Nous sommes déprimés quand nous ne nous touchons pas. En ce moment plus que jamais nous réalisons l’importance du toucher.
En tant que psychothérapie par le toucher, l’art thérapie par les arts plastiques permet de se réapproprier une sensibilité tactile. En touchant la terre ou la peinture, une mémoire tactile très ancienne se réveille .
Nous avons voulu oublier que nous sommes des animaux, que nous n’avons pas un corps mais que nous sommes un corps. N’oublions pas que ce qui définit notre humanité c’est notre ouverture au monde, notre dépendance à cet environnement dans lequel nous naissons.
Nous ne sommes pas des êtres purement intelligibles, coupés du monde extérieur, étrangers à la nature. Nous faisons partie de cette nature et nous en dépendons : nous avons besoin d’air, de nourriture, de lumière, de verdure, de fleurs, d’animaux, d’eau. La matière n’est pas sale, elle nous constitue. Nous sommes chair parmi les chairs, ouverts au monde avec d’autres. En constante interaction.
Acceptons cette dépendance ; la mort, la maladie mais aussi la vie, l’amour. Acceptons d’être fragiles et sensibles et transformons cela en force. Jamais nous ne deviendrons des êtres sans corps, jamais nous ne serons remplacés par des robots et nous ne le voulons pas.
Nous ne voulons pas communiquer par écrans interposés, nous voulons voir nos visages, nos sourires et nous toucher. N’acceptons pas cette déshumanisation qui fait le profit des puissances du net, désireuse d’accroître leur richesse quitte à ce que nous tombions tous en dépression.
Notre sensibilité a de la valeur et du sens
Soyons fiers de notre corps et de notre sensibilité qui ont toujours été dévalorisés depuis l’idéalisme platonicien rangeant le bien, la vérité du côté d’une âme sans corps, masculine. Rangeant le mal et la fausseté du côté du corps, de la nature, du féminin. Cette dévalorisation du corps et de la subjectivité, de l’affectivité est une stratégie de pouvoir. Car qui ne sait pas ce qu’il ressent, qui perd confiance dans son ressenti se cherche un maître et devient donc l’esclave de ceux qui prétendent détenir la vérité. Revendiquons la valeur de notre subjectivité, de notre sensualité.
Nous irons mieux en touchant
Ainsi dans cette tradition dans laquelle nous vivons encore et qui suit une logique d’exploitation et de domination, le toucher fait peur. Toucher c’est sale. C’est pourquoi certains rêvent de sexualité sans toucher, le sexe par Internet se développe.
Pourtant le psychanalyste Boris Cyrulnik a montré l’importance d’être en contact physique les uns avec les autres. Il a prouvé que lorsque nous nous isolons sensoriellement; par exemple lorsque nous déprimons et que nous voulons voir personne, cela crée des lésions neuronales. Dès que nous sommes à nouveau en contact avec d’autres, notre cerveau fonctionne mieux. Il a prouvé qu’un bébé qui n’est pas touché ne se développe pas et finit par mourir. Si en ce moment nous avons besoins des ordinateurs, il ne faut pas nous y habituer.
Ne laissons pas s’installer une société froide et lisse comme l’écran. Prenons conscience de l’importance pour notre épanouissement du toucher. Les personnes psychotiques qui n’ont pas conscience des limites de leur corps par le toucher souffrent énormément.
Une thérapie par le toucher
Ainsi en art thérapie je propose une thérapie par le toucher. Il s’agit de retrouver un contact sensoriel avec la matière : la terre ou la peinture. La personne peint directement avec les mains et modèle avec les mains retrouvant ainsi le toucher par lequel le petit enfant découvre le monde. Retrouvant cette part de jeu et de contact direct avec la matière, retrouvant cette créativité, cette spontanéité d’un rapport au monde par trop dicté par l’intellect de l’adulte qu’il est devenu. Un adulte ne se met pas les mains dans la peinture ? Pourtant il ira beaucoup mieux s’il le fait.
Mais cela lui semble dégradant, dévalorisant parce que ce qui a de la valeur est toujours placé sous le signe de l’immatériel, de l’intellectuel mais aussi du sec.
Revalorisons l’élément liquide associé au féminin
Ainsi les matières liquides et molles, douces au toucher inspirent à certain le dégoût et la peur. Parce que ces matières sont associées à la nature et au corps féminin, dévalorisés dans notre société patriarcale. Pourtant le toucher avec le liquide et le mouvant est notre toucher le plus ancien, celui qui constitue la conscience de notre être et de notre peau : le liquide amniotique. Pourtant la caresse de l’eau et les caresses dispensées par notre mère, le contact avec cette chair douce et souple nous donne la vie.
Avec l’élément liquide a été en même temps dévalorisée la lenteur , également associée au féminin.
Revalorisons la lenteur associée au féminin
Dans notre société c’est la rapidité qui est valorisée c’est-à-dire l’aptitude à atteindre un résultat le plus vite possible. Pourtant il existe d’autres rythmes, des rythmes lents comme celui de la gestation qui créent en profondeur. Comme celui de la maturation des fruits. Les tomates en hiver ne sont pas bonnes. Préférons les tomates lentement mûries par le soleil de l’été.
La lenteur est un élément indispensable à la thérapie que je propose : elle permet une évolution en profondeur. Non pas dans le but d’obtenir très vite un résultat qui brille. C’est pourquoi les séances d’art thérapie que je propose dures deux heures : il s’agit de se détendre et d’entrer dans une temporalité autre que la temporalité marchande.
Le temps ce n’est pas de l’argent, c’est la maturation de l’être. Publié dans Non classé, psychanalyse
Ressentir, toucher, créer, comprendre, partager
Publié le par Cécile Orsoni
Dans mes séances j’ associe ressenti psycho-corporel, art-thérapie et psychanalyse; thérapie non verbale et verbale: ressentir, toucher, créer, comprendre, partager
Fermer les yeux, respirer, lâcher prise
Le fait de fermer les yeux permet d’occulter son propre jugement et celui des autres et donc permet de laisser parler le corps. C’est l’inconscient somatique qui s’exprime alors en images. La création n’est pas guidée consciemment. C’est un travail non verbal.
La relaxation par la respiration les yeux fermés permet de rentrer dans un état modifié de conscience qui favorise le lâcher prise dans le travail avec la terre. Il m’arrive d’utiliser l’hypnose dans mes séances .
D’où cette sensation de rêve éveillé ou naissent des images. Nous pouvons ensuite parler des images qui sont venues à cette occasion.
Ressentir de manière personnelle
Cet état modifié de conscience permet de se centrer sur son ressenti corporel et de se laisser guider par un rythme personnel où les gestes des mains sont en harmonie avec la respiration et détente de tout le corps.
La lenteur est importante.
Il s’agit de se défaire d’une temporalité corporelle liée à l’utilisation du corps pour les tâches quotidiennes pour retrouver la lenteur d’une temporalité personnelle biologique. Il s’agit de ne plus se projeter dans le futur mais d’exister pleinement au présent.
Lâcher l idée du résultat permet de retrouver la dimension du jeu par lequel l’enfant expérimente le monde.
Le fait de travailler avec les deux mains en même temps fait bouger tout le haut du corps et donc le cerveau droit en même temps que le cerveau gauche, la zone des affects en même temps que la zone intellectuelle. Je fais travailler au sol pour permettre pour permettre une gestuelle avec le bas du corps. Je fais peindre au sol ou au mur ce qui permet une expressivité de tout le corps, idem avec les deux mains et les yeux fermés au départ.
Une psychothérapie par le toucher
Nous abordons ici l‘importance du toucherdans cette thérapie que je propose Se recentrer sur le toucher est favorisé par le fait de commencer les yeux fermés. Je pense que une de mes spécificités d’art-thérapeute tient dans cette approche sensorielle par le toucher qui met en jeu tout le corps conjuguée aux yeux fermés.
Ce moment de contact avec la terre ou la peinture permet de retrouver l état psycho-sensoriel du bébé voire du foétus ou le moi est entièrement un moi-corps. Alors il n’y a pas de séparation entre le ressenti corporel et l’intellect .
le sentiment de réalisation de soi: créer
Lorsque la personne ouvre les yeux, arrive en général un étonnement puis souvent un sentiment de fierté d’avoir pu créer et donner forme à un vécu profond et personnel. L’objet concrétise une image de soi et il y a un sentiment de réalisation de soi. La personne se revalorise . L’ art thérapie permet la re-mobilisation des pulsions de vie par la création. Par le re-investissent positif du monde , le plaisir d’être est retrouvé.
Les mots écrits de manière automatiques permettent de passer du non verbal au verbal avant la prise de parole. Ils sont une transition de l’inconscient vers le conscient.
la psychanalyse: le retour à l’enfance
La sensation physique des deux mains avec la terre renvoie chacun à l’enfance voire, il me semble, à la vie intra-utérine. Ce qui expliquerait dans les créations l’évocation de l’enfance et de la mer ( ou de la mère). En effet le bébé découvre le monde avec le toucher et dans l’utérus il prend conscience de lui-même grâce à ce toucher avec l’eau qui entoure tout son corps. La résistance qu’oppose l’eau au toucher de la main est similaire à la résistance que lui oppose la terre.
Ce toucher doux de la terre ou de la peinture renvoie aussi au contact avec la mère. Ce contact avec l’eau qui caresse et masse est simultané à une perception totale d’un soi séparé et en relation avec la mère. Plus tard ce sentiment d’existence par le toucher pour le foétus continuera avec les soins maternels prodigues au bébé donc également les caresses, puis par la découverte du monde en manipulant.
Ensuite vient l’interprétation symbolique de la création et du ressenti pendant le processus de création. Il s’agit de psychanalyse . J’essaie de voir avec elle ce qui se répète de l’enfance dans sa création et dans ce qu’elle a ressenti en créant, ce qui symbolise son histoire. Par l ’analyse de bloquages pendant le processus de création on peut aussi aider la personne à modifier un comportement en l’aidant à imaginer des alternatives pour créer autrement: utiliser d’autres matériaux, couleurs, prendre son temps. ne pas s’obliger à..
Le partage avec l’autre
Arrive la prise de conscience par le partage avec l’autre : le thérapeute et/ou le groupe. Chacun peut s’appuyer sur les projections de l’autre pour découvrir dans sa création plus qu’il n’y voit. Les images (dessins, peintures, modelages, photos, théâtre-image) sont plus susceptibles de projections que les mots qui enferment un peu plus le sens.
Par les mots on crée du commun. Les histoires peuvent se partager et les vécus de chacun raisonnent avec ceux des autres. On peut sortir de sa solitude, de sa culpabilité, de sa honte, c’est la dimension thérapeutique du social. Publié dans Non classé, psychanalyse
la domination sexuelle des femmes: encore aujourd’hui
Publié le par Cécile Orsoni
J’ai écrit cet article pour l’association Osez le Féminisme ou nous menons une réflexion sur la sexualité aujourd’hui dans le but d’aider les femmes à sortir de la domination sexuelle masculine. Depuis les années 70 , cette domination à cédé un peu de terrain sur le plan social mais peu sur le plan sexuel ou la femme reste souvent esclave des pratiques sexuelles masculines notamment dans la dévalorisation de ce qu’on appelle « les préliminaires ».
Et malheureusement quand elle réussit à s’émanciper c’est souvent pour copier la sexualité masculine en adoptant une sexualité phallique. Là encore elle n’affirme rien de la spécificité du désir et du plaisir féminin.
L’enjeu de cette libération sexuelle qui n’a pas encore eu suffisamment lieu est énorme car si la femme affirme la spécificité de sa sexualité , elle cesse d’être l’objet de la jouissance masculine pour devenir sujet de sa sexualité. Elle cesse d’être objet à tous points de vue: sexuel, affectif, social, professionnel car elle ne veut plus « faire comme » lui impose l’homme mais juste différemment.
Dévalorisation des préliminaires et survalorisation du coït
Les préliminaires désignent couramment les pratiques sexuelles qui précèdent l’acte sexuel proprement dit : la pénétration. Comme si la sexualité se réduisait à la pénétration . Quelles pratiques exactement ?
Il s’agit de baisers, de caresses sur tout le corps, y compris sur le sexe, de cunnilingus, de fellation, du contact peau contre peau, du fait de se serrer l’un contre l’autre. Ce sont des gestes ou la tendresse rentre souvent en ligne de compte avec les sons, les odeurs, les mots échangés. Dans les préliminaires c’est toute notre sensualité qui est en jeu.
Le mot de « préliminaires » indique ce qui arrive avant, ce qui prépare à l’acte sexuel mais ne fait pas vraiment partie de l’acte sexuel. Ces pratiques sont donc considérées comme moins importantes que la pénétration qui serait la finalité même de l’acte sexuel, son apogée. Elles sont considérées comme un préalable dont on peut se passer.
Le coït serait plus important que les préliminaires parce qu’il serait censé procurer le maximum de jouissance à l’homme comme à la femme.
D’où vient cette idée que c’est dans le coït que l’homme et la femme jouissent le plus ?
Sans doute de l’idée très ancienne que le plaisir sexuel a pour but la reproduction. Car c’est par la pénétration du pénis dans le vagin que peut avoir lieu la fécondation c’est-à-dire la fusion de l’ovule et du spermatozoïde et donc la conception d’un enfant . Ainsi pour Freud et pour bon nombre de religions aujourd’hui la finalité du plaisir sexuel c’est la reproduction. Comme si la nature avait créé le plaisir sexuel dans le seul but de la reproduction. Le plaisir sexuel n’est admis que dans le cadre de la reproduction.
Les préliminaires sont donc dévalorisés dans notre société car ils sont censés apporter moins de plaisir aux deux sexes que le coït. Pour cette raison, les préliminaires sont souvent très rapides entre hommes et femmes parce qu’il faudrait vite passer « aux choses sérieuses ».
Le peu de temps accordé aux préliminaires satisfait t-il les deux sexes ? La réponse est non. Les femmes se plaignent très souvent du peu d’attention tendre et érotique de leurs partenaires masculins, celui-ci voulant très vite passer à la pénétration et semblant s’ennuyer dans les caresses et les baisers. Les femmes se plaignent de ne pas être assez excitées pour la pénétration et prennent alors peu de plaisir dans le coït . Pourquoi ?
Parce que le plaisir sexuel féminin est très différent du plaisir sexuel masculin.
Les femmes pour jouir ont besoin de douceur, de caresses sur tout le corps, de contact peau à peau, de gestes doux et lents car elles jouissent surtout par le toucher. Pour elles la pénétration par le pénis est un plaisir de toucher parmi d’autres, une pénétration parmis d’autres. Pour jouir une femme n’a pas forcément besoin de coït, contrairement à l’homme qui a besoin de la pénétration pour jouir c’est-à-dire pour éjaculer. Si l’homme peut apprécier les préliminaires il devient vite obsédé par l’idée du coït qui permettra ce mouvement de bas en haut sous la pression du vagin et ensuite de l’éjaculation.
Ainsi lorsqu’on dit que le maximum de plaisir est atteint par la pénétration pour l’homme comme pour la femme on parle essentiellement du plaisir masculin et on fait comme si le plaisir féminin été identique ! On impose aux femmes un mode de jouissance masculine qui permet aux hommes de maintenir leur domination sexuelle en niant la spécificité du plaisir féminin.
Il est donc faux de dire que les préliminaires sont moins valables pour le plaisir que le coït. Cette assertion ne concerne que les hommes qui veulent faire croire aux femmes que le coït est aussi pour elle la meilleure façon d’avoir un orgasme. Ils peuvent ainsi continuer à jouir tel qu’ils le souhaitent, en toute bonne conscience, mais pas les femmes.
Pour une femme croire que seul compte la pénétration, c’est renoncer à son plaisir spécifiquement féminin en essayant de jouir comme un homme. Mais ça ne marche pas !
La femme-objet
Sauf dans le cas d’une sexualité perverse ou la domination masculine a été intériorisée sous la forme du masochisme : il s’agira alors pour la femme de jouir en tant qu’objet passif soumis à toutes sortes de pénétrations avec violences. C’est la sexualité des films pornographiques ou il s’agit d’une sexualité sans préliminaires c’est à dire d’une sexualité sur le modèle d’une jouissance uniquement phallique.
Essayer de jouir comme un homme mène souvent la femme à la frigidité. Ainsi beaucoup de femmes disent avoir peu désir et peu de plaisir. La frigidité des femmes vient du fait qu’elles ne connaissent pas les spécificités de leur sensualité par ce qu’elles se laissent imposer des fantasmes, des gestes, des pratiques propres à la libido masculine.
Les hommes ignorent aussi ce qui fait plaisir aux femmes, croyant comme elles que c’est forcément par le coït qu’elles atteindront l’orgasme. Cette survalorisation du coït permet aux hommes de continuer à pratiquer leur sexualité sans tenir compte du plaisir féminin autre , tout en assurant en même temps le culte du phallus et le culte du sperme dans la reproduction. Car c’est le phallus qui a le primat de l’activité dans le coït, la femme étant priée de se laisser « prendre ». En effet le vagin est essentiellement vu dans le coït comme une gaine passive dans laquelle s’affaire le pénis . Par la survalorisation du coît l’homme se rassure donc sur sa virilité, la pénétration par le pénis étant croit-il le seul moyen pour la femme d’obtenir la jouissance. La virilité est ici la capacité à donner du plaisir en même temps que la capacité de procréer. Le sexe de la femme est vu comme un réceptacle passif au sexe de l’homme seul réellement actif dans le fait de « donner du plaisir » et de « faire des enfants ».
Si le coït est survalorisé, les « préliminaires » sont donc dévalorisés. Si la jouissance masculine est valorisée, la jouissance féminine est dévalorisée depuis des siècles ; d’où le terme de « préliminaires » désignant ce qui dans la pratique sexuelle est anecdotique et négligeable. Mais anecdotique pour qui ? Certainement pas pour les femmes. Car les baisers, le peau à peau, les caresses y compris sexuelles, sont au contraire les pratiques les plus importantes du plaisir féminin qui souvent ne dissocie pas tendresse et sexualité. Tous ces gestes tendres et érotiques font au contraire partie intégrante de la sexualité humaine , la pénétration n’étant qu’un geste parmis d’autres.
la pornographie
Mais les hommes ont souvent tendance à dissocier tendresse et sexualité pour affirmer un pouvoir viril, y compris entre hommes. Il s’agit de « posséder » le corps de l’autre par la pénétration sexuelle et visuelle. Ainsi les films pornographiques montrent-ils toujours des pénétrations en gros plan. Ils sont faits pour la jouissance masculine et non pour la jouissance féminine. Dans les scénarios des films pornographiques, il n’y a pas de préliminaires ou très peu. On passe très vite à la pénétration. Les femmes sont alors censées jouir tout de suite des qu’elle sont introduites par l’organe masculin entrant par tous les trous. Elles passent de mains en mains comme des objets. Ce statut d’objet passif, objet d’échange entre hommes est quelque chose qu’on retrouve aujourd’hui sur les sites pornographiques en accès libre sur Internet. Ces films sont visionnés par de nombreux adolescents et adolescentes qui prennent cela comme le modèle de la sexualité adulte. Que voit- on ? Des femmes manipulées, tournées, pénétrées dans tous les sens par des hommes et avec brutalité.
Il est étonnant de voir les rubriques de ces sites pornographiques. Par exemple : « petite salope se fait baiser par trois mecs ». Ces titres sont toujours sur le mode passif, autrement dit c’est toujours la femme qui est l’objet de jouissance de l’homme. Le sujet est toujours masculin et l’objet est toujours féminin.
Lorsqu’on va dans la rubrique partie trois, ou à plusieurs, effectivement on a toujours deux hommes qui manipulent une femme ; jamais l’inverse. La femme « se fait baiser par l’homme » ou par « les hommes » et jamais l’inverse. D’autre part les scènes sexuelles se font toujours avec violence. On assiste donc au rapport sexuel sur le modèle du viol.
Les sites pornographiques correspondent en fait aux fantasmes masculins de domination sexuelle très valorisants pour le pénis. Mais en réalité les femmes jouissent plus par un toucher sur tout le corps que par un plaisir d’organe précis. Et lorsqu’elles ont du plaisir, elles ferment les yeux ; pas besoin de films ni d’images.
Sans doute s’agit- il aussi d’un phénomène culturel, l’homme se devant toujours de dominer et de ne pas se laisser attendrir. La femme devant se laisser soumettre et émouvoir. Et sans doute les hommes gagneraient-ils à redécouvrir cette partie de leur sensualité complètement refoulée ; celle des caresses, des baisers, de la tendresse, de la lenteur. Mais lorsqu’il se laissent aller à cette sensualité ils ont l’impression d’être une femme , quelle angoisse !
la femme doit devenir sujet sexuel
Les femmes ne doivent donc plus accepter ce terme de « préliminaires » qui nie la spécificité de leur jouissance pour mieux les asservir. Elles doivent inventer un autre mot pour ces pratiques.. Car la lenteur, la douceur, les baisers, les caresses sur tout le corps sont au contraire pour leur jouissance ce qu’il y a de plus important. Elles doivent revendiquer leur droit au plaisir et imposer aux hommes ce temps sensuel et érotique nécessaire à leur jouissance, c’est-à-dire devenir un sujet sexuel .Elles doivent refuser de croire à leur frigidité qui permet aux hommes de les traiter si facilement en objet puisque de toute façon « elles ne ressentent rien » .
Dans Ce Sexe qui n’ en Est pas Un, la psychanalyste , philosophe et linguiste Luce Irigaray a été une des premières à dénoncer la violence sexuelle banale des hommes envers les femmes. Cette violence étant inscrite dans la sexualité « de tous les jours » ou la femme abdique son droit au plaisir en renonçant à la spécificité de sa jouissance .
C’est dans la scène pornographique que se montre au grand jour la femme comme objet sexuel : « Femmes, ne faite plus un effort. On vous a appris que vous étiez propriété privée ou publique : d’un homme ou de tous. D’une famille, d’une tribu, d’un état, éventuellement républicain. Que tel était votre plaisir. Et que sans soumission aux désirs- d’un homme ou de tous- vous ne connaissiez pas de jouissance. Que celle-ci était pour vous , toujours liée à la douleur- mais que telle était votre nature. Lui désobéir revenant à faire votre malheur.
Mais votre nature était curieusement toujours définie par les seuls hommes, vos éternels pédagogues : en sciences sociales, religieuses ou sexuelles. » Ce sexe qui ’en est pas un, éditions de Minuit, 1977, p201. Publié dans art-thérapie, psychanalyse
Séances d’art thérapie et psychanalyse par téléphone
Publié le par Cécile Orsoni
Cette période de confinement nous met tous à l’épreuve. Plus que jamais nous devons faire preuve de créativité pour lutter contre la dépression. L’art thérapie a ici toute sa place ainsi que la psychanalyse. Créer et parler c’est être en relation symbolique avec l’autre. À défaut de pouvoir faire autrement, je continue les séances d’art thérapie et de psychanalyse par téléphone . Ces séances me soutiennent et soutiennent les personnes : la relation continue.
L’oubli du corps et de la sensibilité
Plus que jamais nous réalisons notre besoin d’être en contact physique avec l’autre, en relation charnelle et non pas virtuelle parce qu’une relation humaine est une relation corps et âme et que l’un et l’autre ne peuvent se dissocier sous peine de déshumanisation. Le Corona virus nous fera peut-être réaliser qu’ aucune technologie, aucun robot, aucun e-mail ne saurait remplacer la rencontre entre deux êtres humains, en chair et en os. Lorsque le confinement prendra fin nous devrons tirer les conséquences de cette prise de conscience et lutter contre la déshumanisation croissante de la société et des relations humaines.
L’ordinateur nous fait oublier que nous sommes un corps en relation constante avec l’autre et la nature. Nous ne sommes pas des êtres tout-puissants capables de vivre sans les autres et sans cette nature que nous sommes en train de détruire. Respecter son corps, sa temporalité incarnée , respecter la nature et les animaux , c’est se respecter en tant qu’être humain doué de sensibilité. C’est accepter aussi que nous puissions être malades et confrontés à la mort, ce que la course internationale au profit veut nous faire oublier . Non l’hôpital, les maisons de retraite ne doivent pas être des lieux de profit mais des lieux de soins ou le respect de l’humain doit primer. Arrêtons cette course pour retrouver notre sensibilité, être en harmonie avec notre corps, les autres, la nature. Acceptons notre affectivité c’est-à-dire notre ouverture au monde.
Psychanalyse et voix
Le langage du corps et du visage manquent mais la voix permet quand même une psychanalyse attentive qui passe par les mots, les intonations, les silences. Les émotions sont perceptibles à travers la corporéité de la voix que ce soit la mienne ou la vôtre. A mon sens la voix crée une relation plus profonde que la visioconférence qui est sans cesse parasitée par les problèmes technologiques comme le décalage du son et de l’image.
Art thérapie et photographie
Vous pouvez dessiner, peindre, modeler chez vous et pour ceux qui ont accès à la nature, faire du land art c’est-à-dire créer avec des matériaux naturels. Vous pouvez mettre en scène vos créations et envoyer des photos juste avant la séance pour que nous puissions en parler.
La photographie devient alors un moyen d’expression créatif supplémentaire puisque vous vous exprimez aussi dans la prise de vue, le cadrage, la lumière, la mise en situation de vos oeuvres. Le choix des photos envoyées a aussi un sens. Lorsque nous sommes au téléphone, vous pouvez parfois dessiner et m’envoyer la photo en cours de séance.
Une relation thérapeutique à distance ?
Même si vous créez seuls chez vous la relation thérapeutique ne s’interrompt pas dans le sens où je suis présente symboliquement dans ce moment de création. En effet vous savez que vous aurez à m’envoyer des photos. Bien que je ne sois pas physiquement présente à ce moment-là, je suis présente à votre esprit .L’acte de création peut donc continuer à s’inscrire dans le cadre de la relation thérapeutique.
Il convient quand même d’être prudent dans ce dispositif étant donné que je ne peux pas vous accompagner au moment de la création. Les créations ne sont donc pas obligatoires entre chaque séance: il faut que vous « le sentiez »
Les séances par téléphone durent une heure ou deux une fois par semaine , nous expérimentons pour voir la durée qui nous convient.
Voici quelques photos de créations qui m’ont été envoyées récemment. Elles ont été le support de de séances d’art thérapie et de psychanalyse qui sont toujours en cours.
Publié dans art-thérapie, Non classé, psychanalyse
Il y a aussi la rose
Publié le par Cécile Orsoni
En cette période mortifère , il y a aussi le printemps ! Pour nous remonter le moral je vous propose une méditation sur la rose avec un très beau texte de Luce Irigaray.
« Il y a aussi, et encore, la rose. Puisqu’il faut bien tenter de demeurer un peu sur terre, sous le soleil, de s’épanouir et vibrer dans l’air, durer en obéissant au rythme des saisons. Efflorescence qui, mystérieusement, rappelle quelque chose du sang et de l’ange. Recommençant sans cesse, sans pourquoi, parce qu’il faut fleurir, ainsi le commande son cycle, et sans souci d’elle-même, ni désir d’être vue .Pur apparaître…
Il y a la rose, avant et après l’efflorescence. S’ouvrant toujours pour une première et dernière fois. Et, pourtant, le recueillement de ses pétales sait, par sa disposition toutes les roses antérieures et celles futures, mais sans double, ni mime. Quand elle s’entr’ouvre, elle connaît déjà l’ effeuillement, le repli, le recueillement. Non de sa fermeture, mais de son recouvrement. Ses pétales, sauf celles qui entourent ou enveloppent le coeur, celles de l’extrême bouche, reposent envers contre endroit (ou le contraire selon l’abord), dedans contre dehors, intérieur protégeant l’extérieur. Rassemblant ce qui a déjà eu lieu, les lèvres déjà ouvertes, offertes qui, en elle, se garderaient de la dispersion- celle du fils éloignant ses multiples jouets où, à chaque fois, sa mère, sa femme- mère, entières ou en lambeaux. Mémoire qui ne va pas sans deuil s’abriter aussi d’un dehors qui déborde le dedans pour lui faire toit, maison, revêtement, apparences. Ce qui peut tromper, induire en erreur et en errance sur ce qui va à l’extrême bouche, ou au coeur, ou à la source. La rose en soi – si cela peut encore se dire – serait imperceptiblement voilée, artificielle pour qui ainsi le veut ou la pense, de reposer dans ou autour d’un recueillement invisible : son plus secret calice ne se montre jamais, il se tient sous tous pétales déjà rassemblés. Quand ils offriront, dans une splendeur impudique, leur complète ouverture, le lieu où elle se retouchait elle-même, lèvres à lèvres, aura disparu. Vous ne le verrez jamais. Vous ne le verrez jamais dans ce qu’elle est ou a de plus intime. Peut-être est-il, est-elle parfois perceptible à ceux qui demeurent près d’elle, respirant l’espace qui l’entoure, qu’elle crée de cette caresse ou elle subsiste sans refus ? Dans un don qui se dispense à travers l’air sans jamais y apparaître comme tel et sans que quiconque puisse la prendre en main. Sauf à la perdre.
Le coeur de la rose s’ouvre sans projet qui commande cette ouverture. Au coeur de la fleur, il n’y a rien – que le coeur. Il s’ouvre sans raison. Aucune téléologie ne commande l’éclosion des pétales. Elle ne sert à rien. Sinon au regard ? Quel regard ? Elle nous regarde d’où elle ne se représente pas. Regard encore vierge de toute présence fabriquée et reproductible. En un certain sens, elle est invisible et, pourtant, tellement plus visible que tout ce qui se représente. Elle n’est ni objet ni chose. Elle ne peut se parler en mots, même si un vocable la désigne dans la langue. Elle n’a pas de double. Elle se donne toujours pour la première et unique fois. Attire le regard dans sa contemplation. L’arrête – sans pourquoi. Il s’ouvre – sans raison. Baignée dans son efflorescence.
Mouvement sans forces. Traits déterminés sans la rigidité de l’application d’une énergie. Pétales à sans contours fermes. Finitude in – fini. Illimitée. Splendeur de l’imperfection. »
Luce Irigaray, La Croyance Même
Encres de Cécile Orsoni Publié dans Art, art-thérapie, Non classé
Etre là: stage d’art-thérapie en Corse du 19 au 23 aôut 2020
Publié le par Cécile Orsoni
Stage d’art thérapie en petit groupe dans la Castagniccia du 19 au 23 aout 2020: land art, dessin, écriture.
Ce stage de 5 jours s’adresse à toute personne en recherche d’un mieux être et d’une meilleure connaissance de soi. A l’heure des ordinateurs nous perdons notre présence au monde et aux autres pour être toujours dans un ailleurs: un temps et un espace virtuel sans corps, sans émotions.
Il s’agira ici de créer via le land art qui met tout le corps en mouvement sur un site ou la nature nous fait signe de manière puissante. Une partie du travail se fera à l’extérieur et l’autre en atelier.
Photo prise sur le lieu du stage à Croce dans la Castagniccia
L’art – thérapie est une psychothérapie par la création artistique. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir des compétences artistiques. En effet le but recherché n’est pas l’acquisition de techniques mais l’expression de soi-même, le changement vers un mieux-être.
L’art thérapie permet de se trouver et de se reconstruire dans un temps de création, d’être aussi dans une dimension de plaisir et de lâcher prise ; un temps de jeu. Par la création nous transformons notre vécu parfois douloureux pour en faire quelque chose de positif ce qui conduit à l’expérience d’une revalorisation de soi. Le contact sensuel avec les matériaux naturels permet de se reconnecter au corps, aux émotions et aux images. L’acte de création dans la nature ( land-art) remet le corps et l’ esprit en mouvement .
Objectif
Ce stage propose un travail d’introspection en petit groupe. Les participants seront invités à s’exprimer de manière individuelle à travers le land -art en extérieur, le dessin et l’ écriture . Les émotions et les œuvres seront analysées en groupe.
Méthodologie
Il y aura une alternance de phases de création individuelle via le land art , le dessin, l’ écriture et d’analyse en groupe. Il s’agira de mieux se comprendre soi même en utilisant sa sensibilité et à sa créativité, chacun pouvant s’appuyer sur l’autre par l’analyse en commun des émotions ressenties et des créations .
L’approche psychanalytique des créations permettra à chacun de remonter dans son passé pour mieux comprendre son présent ; chacun sera invité à associer à partir des créations, à exprimer et analyser ses émotions, à les interpréter. Dans une logique de recherche en commun, nous verrons comment le vécu de chacun raisonne avec celui de l’autre ; chacun permettant à l’autre de mieux se comprendre. En faisant part de ses associations par rapport à la création de l’autre chacun exprime son transfert et peut prendre conscience de ses propres projections
Déroulement
Chaque journée nous nous retrouvons à 10h , pause déjeuner ensemble de 13h à 14h30, reprise jusqu’à 17h. Prévoir un picnic à partager pour le déjeuner.
Jour 1 : Matin : ronde de présentation, qu’est ce que j’attends de ce stage ? Jeu pour faire connaissance .Land art : création en pleine nature sauvage avec les materiaux naturels : pierre, branche, feuille, lumière, terre, eau etc…Prise de photo des œuvres.
Pm : analyse en commun des œuvres de land art. Travail d’écriture automatique et création d’un texte sur un carnet de voyage individuel. On donne un titre à la journée.
Jour 2 : Matin :on se retrouve autour des photos et des croquis et chacun parle de son ressenti par rapport à la veille, de rêves éventuels et du regard qu’il porte aujourd’hui sur sa création.. Land art et prise de photo
Pm : analyse en commun des oeuvres. Travail d’écriture automatique et création d’un texte sur un carnet de voyage individuel. On donne un titre à la journée.
Jour 3 : idem.
Jour 4 : idem.
Jour 5 : Matin : création collective de land art symbolisant le chemin parcouru pendant ces 4 jours.
Pm : analyse en commun de la création fin pm : Pot de clôture du stage apéro dinatoire
Renseignements pratiques
Inscriptions avant le 20 mars 2020 (à cause des gites qui sont très prisés ) auprès de Cécile Orsoni : 06 78 73 94 48.
Nombre de participants limité: 8 personnes maximum.
Dates : du 19 au 23 aout 17h. Rdv la veille le 18.
Lieu : village de Croce dans la Castagniccia. Ce village est un village ancien et typique de la Castagniccia, la région la plus verte de Corse à cause de ses chataîgners sous lesquels on peut faire la sieste à l’ombre. De magnifiques randonnées et promenades partent du village .La plage est à 30 mn de route du village ainsi que la magnifique cascade de Carchetto. La richesse et la beauté du paysage à proximité nous permettra de varier les lieux de land art.
Coût du stage 5 jours : 340 euros, matériel compris. les repas, logements et transports ne sont pas compris.
Logement : gites communaux de Croce, attention faire très vite pour réserver ! Je mettrais en contact les personnes intéressées pour louer ensemble
Je crois qu’il reste ces gites à louer : https://www.gites-corsica.com/location-de-vacances-en-Corse-a-Croce-Gite-20G61301.html
Sinon regarder sur Airbnb . Villages les plus proches: la Porta, Campana, Piédicroce
Transports : aéroport de Bastia, puis louer une voiture à l’ aéroport. De l’ aéroport passer par Folelli pour monter à la Porta puis à Croce. Publié dans art-thérapie, psychanalyse, Stages
Art-thérapie : pourquoi interpréter son oeuvre ?
Publié le par Cécile Orsoni
En quoi cela vous aide d’interpréter votre création lors d’une séance d’art thérapie ?
Je vous donnerais un exemple en vous proposant d’analyser la peinture ci dessous qui a été réalisée lors d’une séance individuelle d’art thérapie par F dont je vous ai communiqué le très beau texte.
Il ne s’agissait pas ici de la première séance, d’autres dessins avait été fait avant et d autres seront faits après. Cela signifie que cette peinture prend sens avec la psychothérapie psychanalytique et les peintures qui l’ont précédées ainsi que celles qui l’ont suivies : l’interprétation que je vais en donner se fait donc en fonction de tout le travail qui entoure cette peinture. Elle ne peut être isolée de ce contexte.
Cette peinture symbolise un moment particulier de la thérapie où j’avais proposé à F de faire des autoportraits d’elle à plusieurs âges : enfant, adolescente, femme d’âge mûr. ici elle se représente telle qu’elle est maintenant: une femme d’âge mur.
Interpréter par la technique de l’ association libre
En fin de séance arrive le moment d’interpréter la peinture réalisée, pour cela j’utilise la technique psychanalytique de l’ association libre : dire sans retenue ni jugement tout ce que lui inspire sa peinture même si cela parait absurde. Or avec F nous constatons que la tête semble d’une autre nature que le corps : le visage est blanc alors que le corps semble rempli de jaune, qui est aussi la couleur du fond. L’intérieur des yeux est également jaune comme si le fond jaune avait envahi l’âme et le corps car on sait bien que les yeux sont « le miroir de l’âme ». Autre élément d’étrangeté de cette tête : elle semble comme un masque posé sur le cou. En effet les yeux sont vides comme ceux d’un masque et l’expression est figée.
En regardant d’autres peintures nous pouvons toujours faire la même remarque : les têtes semblent toujours séparées du corps, étrangères à lui.
Vrai self et faux self
Je demande à F si d’une manière générale elle à l’impression que sa tête est coupée de son corps, que son corps lui est étranger. Elle me répond que oui, qu’elle a souvent l’impression que son visage est un masque qui joue un rôle sans exprimer son vrai soi ; son « vrai self ». Je reprends ici un concept de Winnicott. En effet celui- ci a montré qu’une personne ayant subi de graves traumatismes peut développer un « faux self » c’est-à-dire une personnalité artificielle qu’elle se construit pour s’adapter aux autres du mieux qu’elle peut. Ce faux self est une défense protéger le vrai soi qui n’a pas pu s’exprimer et se développer et qui se cache. Les personnes qui utilisent cette défense se sentent un autre qui joue la comédie sans rien ressentir.
F ressent donc son corps comme appartenant au monde extérieur mais pas à elle : c’est comme cela qu’elle interprète la ligne blanche très fragile qui sépare le corps du fond jaune ; elle ne ressent pas nettement les frontières entre l’intérieur de son corps et l’ extérieur de son corps.
Une prise de conscience objectivée par l’image
Grâce à l’interprétation qu’elle fait de sa peinture , guidée par les questions que je lui pose, F a pu prendre conscience de l’ image qu’elle a d’elle-même et de son corps. En effet la peinture a matérialisé en image l’impression permanente qu’elle a d’être coupée de son corps, des émotions de son « vrai self ». il n’est pas sûr que F soit arrivée à exprimer cette distance de soi à soi directement par la parole . En effet l’inconscient s’exprime plus spontanément en image exactement comme dans le rêve. C’est un point fort de l’ art-thérapie : nous avons tout de suite devant les yeux une image matérielle pleine de sens.
Le travail thérapeutique consiste ensuite pour F à interpréter verbalement ce que symbolise pour elle sa peinture, à comprendre ce qu’elle exprime ici de son état présent mais aussi de son histoire passée : a-t-elle toujours eu cette impression d’être coupée de son corps ? Y a-t-il une cause très ancienne à la mise en place de ce mécanisme de défense ? Cette prise de conscience permet aussi à F d’entrevoir ce qu’elle souhaite dans le futur par exemple se réapproprier son corps, ses émotions, se sentir elle-même c’est à dire renouer avec son vrai self.
On peut aller beaucoup plus loin dans l’interprétation de ces peintures mais mon propos est juste ici de donner une piste de compréhension.. Publié dans art-thérapie, psychanalyse
Témoignage d’une patiente en art-thérapie: » j’avais l’impression de me redonner vie.. »
Publié le par Cécile Orsoni
Je demande parfois aux personnes qui le souhaitent d’écrire un texte en fin de thérapie. Voici le témoignage d’une femme que j’ai suivi en art-thérapie et psychanalyse. Par la suite ses peintures ont fait l’objet d’une exposition d’art-thérapie, j’en commenterais quelques unes dans les prochaines newsletter. Je la remercie vivement pour ce très beau texte et pour m’avoir donné l’autorisation de le publier.
« Peu avant ma première séance d’Art-thérapie, j’ai fait ce cauchemar extrêmement parlant par rapport à mon histoire.
J’avais peur, parce qu’il parle de mon traumatisme profond. Le non-dit, la culpabilité, la honte… Je savais bien qu’il faudrait dire la vérité, vous en parler, mais j’attendais de ne plus avoir le choix. Cet aveu est tellement douloureux…
C’est arrivé assez vite, au cours de la deuxième séance, il me semble. Quand vous m’avez demandé de dessiner « ce qui est arrivé à cette femme ». Parce qu’il s’agissait bien d’une femme… mais qui a perdu sa féminité.
Cela m’a beaucoup soulagée de vous dire ce qui m’était arrivé, enfant. Et votre réaction dans l’accueil, m’a détendue.
J’avais du mal à dessiner ce que je voulais. C’était finalement assez frustrant de ne pas « savoir » dessiner, de ne pas pouvoir retranscrire ce que j’avais comme image dans la tête. Mais après les séances, vous m’avez encouragée en me disant que mes dessins étaient beaux et cela m’a fait beaucoup de bien. Beaux, même si je ne sais pas dessiner, parce qu’ils sont vrais. Et beaux, même si ce que je dessine est affreux. Affreux ce que j’essaie de cacher depuis toujours, tout en espérant pouvoir le dire et m’en débarrasser…
Grâce à vos encouragements, j’ai continué au fil des séances avec un peu moins de jugement intérieur.
Le moment où j’ai dessiné le petit bonhomme blanc, que j’ai ressenti comme mon innocence, ma pureté, ma force aussi, a été très important et libérateur. J’ai d’ailleurs affiché dans ma chambre depuis, le dessin sur le craft du grand bonhomme blanc avec son pistolet, qui est plus fort que le noir, plus fort que l’agresseur, plus fort que la destruction, que la dépression. Je le vois tous les jours, et il me donne de la force.
Quand j’ai peint avec mes doigts pour remplir mon corps, cela m’a vraiment touchée émotionnellement. J’avais l’impression de me redonner vie, d’avoir la possibilité d’habiter enfin mon corps, de reprendre contact avec moi-même. Je ne sais pas si c’est encore le cas, parce que le chemin est long, mais un contact a eu lieu je pense. Pour moi, habiter son corps va avec la joie de vivre et sûrement un sentiment d’unification. Je m’en sens encore éloignée, mais des pas ont été faits.
Je sens qu’un parcours a été effectué lors de ces séances. Comme une boucle. J’ai entendu des messages : tu peux retrouver ta beauté, retrouver ton innocence, ce que tu es vraiment… Tout ça n’a pas été complètement détruit.
Le plus important pour moi, et le plus difficile, c’est de pouvoir montrer l’in-montrable, dire l’impensable, l’inacceptable. Et ce travail m’a permis de le faire d’une certaine façon. Pouvoir mettre en dehors de moi, sur des feuilles blanches, ce qui me ronge, ce tabou, cet impossible à dire, est libérateur. Ca veut dire : c’est possible que ce soit vu par d’autres.
Evidemment, l’exposition a doublé cet effet. Tout à coup, des gens que je ne connais pas, qui ne sont pas thérapeutes, peuvent voir ce qui pour moi est impossible à montrer. C’est comme un espoir que l’inhumain puisse devenir humain, être vu, reconnu. Parce que pour moi, ce traumatisme reste confiné dans une zone d’inhumanité, comme s’il m’avait exilé de la « normalité » humaine.
Mais justement, j’ai senti que cette expérience d’exposition m’avait ouvert une porte. Peut-être que oui, aujourd’hui, et encore davantage demain, je pourrai dire et montrer, ce qui, hier, était absolument impossible.
Et dire et montrer cette vérité, c’est pouvoir retrouver ma beauté intérieure, ma féminité et mon être… Tel est mon plus grand souhait.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir accompagnée dans ce voyage et de m’avoir permis de montrer ce qui m’empêche de vivre dans la joie et la légèreté. Je me suis vraiment sentie bien guidée au fur et à mesure des séances. Une étape importante a été réalisée à l’intérieur de moi-même, je le sais. Le chemin continue…«
F (le 16.12.15)
Séances d’art-thérapie avec Cécile Orsoni Publié dans art-thérapie
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